Part VI.C. Texts (9/32)

9.

 

Albertus Magnus, Questiones de anima (Summa de homine), [vers 1240]

et (Anon.), De sensu communi [vers 1242]

 

 

Albert le Grand a traité le sens commun au moins deux fois : dans les Questiones de anima ou Summa de homine, vers 1242, et dans son commentaire sur le De anima, vers 1254-57 ; le court traité De sensu communi, qui lui a été attribué, est en fait une compilation de passages de la Summa.

 

  1. De homine ou Questiones de anima

 

Ed. H. Anzulewicz et J.R. Söder : Albertus Magnus, De homine, Münster 2008 (Opera omnia 27, 2). Traduction allemande, par H. Anzulewicz, 2006.

 

La Summa de homine est la deuxième partie de la Summa de creaturis. Le titre Questiones de anima était utilisé par Albert lui-même. Ce traité théologique est composé de questions groupées par thème ; les thèmes sont d’abord introduits et les questions sont annoncées ; les questions sont divisées en « articuli », dont certains sont à leur tour divisés en questions.

Le thème du sens commun est divisé ainsi (je cite la table donnée dans l’édition citée plus haut, Appendix II, p. LXII) :

 

De sensu communi

  1. Que sit necessitas ponendi sensum communem
  2. Quid sit sensus communis
  3. De organo sensus communis
  4. De obiecto sensus communis
  5. De actu sensus communis

5.1. Quis sit actus sensus communis

5.2. Utrum sensus communis unus existens et in uno tempore apprehendat diversa sensata

5.3. Qualiter contingit sensum communem esse verum et falsum et mentiri et verum dicere

 

Puisque le texte latin est disponible dans une édition critique récente et facilement accessible, il n’est pas reproduit ici.

Note sur la traduction : J’ai abrégé certaines parties de l’argumentation qui ne me semblent pas essentielles. Je n’ai pas traduit le terme phantasia, car il n’est pas clair. J’ai traduit spiritus par souffle (équivalent du terme grec pneuma) et species par aspect.

 

 

Traduction :

<Sur le sens commun>

Ensuite il faut passer à la question sur le sens commun. A propos de cela cinq questions sont posées. La première question est quelle est la nécessité de supposer un sens commun ; la deuxième, qu’est-ce c’est le sens commun ; la troisième, quel est son organe ; la quatrième concerne l’objet du sens commun ; la cinquième concerne son action.

< Quelle est la nécessité de supposer un sens commun >

Au premier point on procède ainsi :

Avicenne[1] dit que rien ne nous force à supposer un sens commun, si ce n’est parce qu’aucun sens propre ne peut discerner l’identique et le différent parmi les choses senties par composition et division ; et pour cela nous devons supposer le sens commun, pour qu’il nous dise que le blanc est doux ou n’est pas doux, et ainsi dans les autres choses ressenties. Et le fait qu’aucun sens propre ne peut discerner la composition et la division des sensibles est prouvé ainsi, et le raisonnement est écrit dans le deuxième livre du De anima à la fin, raisonnement dont voici le résumé : Par une seule chose nous discernons et nous sentons que le blanc et le doux sont semblables ou différents ; il est donc nécessaire que cela est une faculté de l’âme. Et puisque la ressemblance et la différence de ces choses sont senties avec la présence de la matière selon qu’elles sont des sensibles, ce jugement ne sera pas celui de la phantasia ou de quelque autre vertu intérieure, qui discerne sans présence de la matière. Mais puisque le toucher sent des choses diverses en genre, qui sont également les causes d’autres choses senties, pour cela quelqu’un pourrait croire que cela se fait par le toucher ; et pour cela il (i.e. Aristote) prouve que non, parce que si la chair était le dernier élément (ultimum) comme moyen de toucher ce genre de choses, alors nous ne sentirions pas une telle altérité sinon en touchant, ce qui est clairement faux, parce que nous faisons une différence entre la couleur et le son, dont nous ne touchons aucun. Et la chair est ici dite le dernier élément du côté de celui qui touche, pas du tangible, parce que, les éléments ultimes du touchant et du tangible étant simultanés (simul), cet ultime touchant est la chair.

Sur la base de ceci quelqu’un pourrait encore dire que ce jugement ne se ferait pas par un sens, mais par divers sens séparés ; et il prouve que non, parce qu’alors ce serait comme si moi je toucherais le blanc mais toi tu sentirais le doux, et par cela aucun de nous ne saurait l’altérité ; et c’est basé sur le fait que celui qui fait une comparaison entre certaines choses juge chacune des choses comparées. Il est donc nécessaire qu’un et le même donne ce jugement. Et parce que c’est pareil dans l’intellect spéculatif pour le vrai et le faux, et dans l’intellect pratique pour le bon et le mal, et en général pour les diverses choses intelligibles, pour cela il conclut par induction que si un seul donne le jugement ici et là (hinc inde), que c’est également un seul qui comprend (intelligens) et sent cela même.

Plusieurs arguments pour ceci que le jugement de divers sensibles ne soit pas en même temps dans un seul sens propre, sont donnés par le Philosophe à la fin du De sensu et sensato[2]. On peut les résumer ainsi : […] (p. 268, 13-25).

Il y a encore un autre argument contre ceci […] (p. 268, 26-41).

Mais si on disait que […] (p. 268, 42-28).

De plus, […] (p. 268, 49-70, p. 269, 11).

De même […] (p. 269, 12-14).

Ceux-là sont les arguments du Philosophe pour prouver la nécessité du sens commun.

Mais Avicenne[3] donne à propos de ceci certains arguments et certaines expériences (experimenta). Son raisonnement est celui-ci, que nous jugeons en distinguant (diiudicamus) entre les choses senties selon le même et le divers, et par affirmation et négation. Donc, puisque c’est à un seul juge (diiudicantis) de connaître chacune des choses jugées, il faut que ce jugement se fasse par une seule vertu ; et puisque c’est entre choses senties selon qu’elles sont senties et non selon qu’elles sont imaginées ou discernées (intellecta), il faut que cette vertu ait le nom d’un sens ; et puisque ce n’est pas par rapport à une seule chose sentie mais à plusieurs, ce ne sera pas un sens propre, mais le sens commun.

De même, on ne peut pas dire que cela se fait dans l’intellect, parce que tous les animaux n’ont pas un intellect, et pourtant ils discernent le même et le divers parmi les choses senties.

De même, devant un bâton levé un chien perçoit la forme de la douleur et s’enfuit, ce qui ne serait pas le cas si quelque chose dans le chien ne combinait pas le sensible de la vue et le sensible du toucher.

De même, les rêves montrent cela. Car bien que dans le sommeil les sens propres sont fermés (clausi) par le froid qui descend du cerveau et alourdit les organes des sens, des images (simulacra) de tous les sens se manifestent à la façon des choses et non à la façon de simulacres ; puisque donc cela ne pourrait pas se passer dans les organes des sens propres, il reste que ce soit dans un certain organe qui est le centre des sens, et cela est l’organe du sens commun, comme dit Avicenne[4]. Si peut-être quelqu’un disait que ces simulacres sont dans la phantasia, à cela s’oppose que la phantasia ne reçoit pas des simulacres comme des choses, mais comme des images et des phantasias des choses ; et ces simulacres sont représentés dans les rêves comme des choses ; donc puisque rien ne juge un simulacre comme chose sinon le sens, et qu’il n’est pas dans l’organe d’un sens propre, il sera dans l’organe du sens commun. Mais cela sera davantage discuté plus loin.

De même nous voyons que si quelqu’un est transporté longtemps sur un char ou un bateau sur l’eau, que même après qu’il est assis tranquille, les choses qu’il voit semblent tourner autour de lui. Puisque donc ce jugement est en dehors de la chose présente, ce sera le jugement d’un sens, mais non pas du sens propre qui est la vue, parce les yeux ne bougent pas, donc du sens commun ; car cela arrive à cause du vertige du souffle animal dans l’organe du sens commun, qui est dans la partie antérieure du cerveau ; et ainsi il reste qu’il est nécessaire que le sens commun existe.

Nous avons multiplié ces arguments pris dans les écrits des philosophes[5] pour réprimer la bêtise (stultitia) de certains[6], qui disent que le sens commun n’existe pas, en donnant ces arguments :

Un seul acte propre n’est que d’une seule faculté ; mais le blanc ou la couleur est un seul acte ; donc il ne sera que d’une seule faculté ; mais c’est la vue et le sens commun selon le Philosophe[7] ; donc la faculté du sens commun en discernant les couleurs n’est pas séparée de la faculté de la vue. Pareillement, par le même argument en discernant les saveurs elle n’est pas séparée de la faculté du goût ; et ainsi des autres sens ; donc la faculté du sens commun n’est pas séparée des facultés des sens propres.

De même, rien n’est perçu par le sens commun si ce n’est pas d’abord perçu par un sens propre ; donc il y a un seul acte du sens propre et du sens commun ; donc puisque les facultés diffèrent par les actes, par lesquels elles sont aussi définies, comme il est dit plus haut[8], il y aura une seule faculté du sens commun et du sens propre.

De même, dans le livre De sensu et sensato[9] et dans le livre De anima[10], le Philosophe semble argumenter pourquoi les sensibles (sensata) communs sont dits communs, en disant que ces sensibles sont dits communs qui sont sentis par plusieurs sens ou par tous ; donc le sens commun ne semble être rien sinon plusieurs sens en nombre ou tous.

Mais il est prouvé ainsi que cela est impossible :

Aucun sens propre n’est en soi et primairement des sensibles communs ; le sens commun est en soi et primairement des sensibles communs ; donc le sens commun n’est pas un des sens propres. La proposition majeure est prouvée par le fait que […].

De même […]. (six arguments en tout)

Solution : nous disons en consentant avec les auteurs que le sens commun diffère de tout sens propre.

A l’argument fait pour le contraire il faut dire que […]

A l’autre […]

Au dernier il faut dire qu’Aristote n’entend pas ici rendre compte pourquoi les sensibles communs sont des sensibles en soi, mais il rend compte de leur caractère commun.

 

<Qu’est-ce que le sens commun>

 

Deuxièmement on demande ce qu’est le sens commun.

Avicenne dit : « Le sens commun est une puissance (vis) placée dans la première concavité du cerveau, recevant par soi-même toutes les formes qui sont imprimées aux cinq sens et lui sont rendues »[11].

De même, Avicenne dit : « Le sens commun est une vertu à laquelle sont rendus tous les sensibles »[12].

Mais Algazel dans sa Physica le définit ainsi : « Le sens commun est un sens dont tous les sens propres sont dérivés, et auquel toute impression d’eux est renvoyée, et dans lequel ils sont tous réunis, et ainsi ils sont comme s’ils lui conseillent (quasi sint suggerentes ipsum) »[13].

Contre la première définition on objecte ainsi : « La phantasia est une vertu placée dans la première concavité du cerveau etc. » ; donc la phantasia est le sens commun. Et cela est clair par les mots d’Avicenne, qui dit ainsi : « Parmi les forces cachées qui perçoivent les sensibles (virium occultarum apprehendentium sensibilium ; lege sensibilia ?), la première est la phantasia, qui est le sens commun » [14].

De même, Avicenne : « La vertu formative qui est la représentation (imaginatio) est elle-même la dernière dans laquelle résident les formes des sensibles, et son visage, qu’elle a envers les sensibles, est du sens commun » [15].

De plus, les vertus diffèrent selon les objets ; donc, celles dont les objets sont les mêmes, sont aussi les mêmes elles-mêmes ; mais les objets de la phantasia et du sens commun sont les mêmes ; donc la phantasia et le sens commun sont la même vertu. La première (proposition) est écrite dans le De anima[16], la seconde est prouvée par ceci que le phantasme (phantasma) a des appendices matériels, c’est-à-dire la couleur et la quantité et la forme, comme aussi le sensible du sens commun.

Si peut-être quelqu’un disait que la tâche de la phantasia est de composer et de diviser les phantasmes (phantasmata), contre cela est le fait, comme il apparaît aussi de ce qui précède, que le sens commun compose et divise les sensibles, et ainsi le sens commun et la phantasia ne semblent pas avoir une différence en cela.

De plus, Algazel[17] dit que le sens commun est celui dans lequel les sensibles propres sont combinés. Car s’il n’y avait rien en nous dans lequel la blancheur et le son seraient combinés, nous ignorions que c’est cet objet blanc dont nous avons entendu le son. Mais la combinaison de la blancheur et du son n’est pas perçue par les yeux ni par les oreilles, mais par le sens commun.

Mais contre cela : le Philosophe dit dans le livre De anima que « la phantasia est un mouvement fait par le sens selon l’acte »[18] : mais le sens selon l’acte est selon tout sensible ; donc selon le sensible commun ; et ainsi il est clair que la phantasia est générée par le sens commun. Mais comme cela dont la phantasia est générée n’est rien, il n’y aura pas de sens commun.

De plus, dans le chapitre De memoria Aristote distingue entre le phantasme (phantasma) et l’image disant : « En tant donc qu’elle est par soi, un objet que l’on regarde ou une image »[19], ajoute : il faut la prendre comme.  « Mais en tant qu’elle est <l’image> de quelque chose d’autre, <il faut la prendre> comme une sorte de copie et un souvenir ». Le sens est que la forme perçue par l’âme sensible peut être considérée en soi, de telle façon qu’elle ne se réfère pas à une chose dont elle est la forme ou l’image, et ainsi elle est dite phantasme. Ou elle peut être considérée en comparaison à la chose qui est perçue par elle, et ainsi elle est dite image. Et pour cette raison il donne au même endroit[20] un exemple de la figure d’un animal peinte sur un tableau, qui peut être considérée en soi, et ainsi elle est un animal peint ; ou en tant qu’elle représente un lion ou un veau, et ainsi elle est une image. De cela on s’aperçoit que la phantasia perçoit la forme non en comparaison avec la chose ; et le sens commun perçoit la forme comme de la chose présente ; mais la représentation (imaginatio) perçoit la forme comme par rapport à la chose, qui n’est pourtant pas nécessairement présente ; donc le sens commun n’est pas la phantasia, et la phantasia n’est pas la représentation (imaginatio).

La même chose est claire encore par Algazel disant ainsi : « Sache que les sens intérieurs sont cinq, à savoir le sens commun, la vertu imaginative, la phantasia, la vertu estimative, la vertu mémorielle »[21].

De plus, dans les choses corporelles, comme le dit Avicenne[22], bien recevoir et bien retenir n’est pas le fait de la même vertu. Car l’une de ces deux vertus est causée par l’humide et l’autre est causée par le sec ; donc dans les puissances (viribus) de l’âme combinées par l’organe ce sera pareil ; mais la vertu sensitive est déterminée selon le bien recevoir des sensibles ; donc le bien retenir n’est pas de lui. Mais la tâche de la phantasia est de retenir, comme le dit le Philosophe dans le livre De somno et vigilia[23]. Car il dit là que les simulacres reçus par les sens restent dans la phantasia et refluent dans les rêves vers les organes des sens ; donc la phantasia et le sens commun ne sont pas la même vertu.

De plus, à propos de la définition d’Algazel on pose la question par quel mode de dérivation les sens propres sont dérivés du commun ? Et en raison du nom même, qui est sens commun, il semble qu’ils sont dérivés de lui comme les parties ‘potestatives’ du tout ‘potestatif’. De cela il semble suivre que le sens commun n’est rien d’autre que le tout constitué par tous les sens propres. Et de cela il suit ensuite que le sens commun n’est rien en dehors des sens propres, ce qui a déjà été réfuté dans ce qui précède.

De plus, il semble que c’est plutôt le sens commun qui est dérivé des sens propres que l’inverse. Car le sens commun est celui auquel les sensibles propres sont envoyés, et ainsi le sens propre est antérieur au sens commun selon l’acte, et ce qui est perçu par le sens propre est transféré au sens commun ; donc, comme le postérieur est dérivé de l’antérieur, le sens commun est dérivé des sens propres plutôt que l’inverse.

De plus, on pose une question à propos de ce qu’il dit que dans le même tous sont combinés. Car ils sont soit combinés dans le même comme des parties dans un tout intégral, et cela a déjà été réfuté, soit comme dans l’origine (principium), par lequel ils sont constitués, soit comme dans cette chose dans laquelle leur opération est complétée. Si de la deuxième façon, cela semble faux, parce que l’antérieur n’est pas constitué par le postérieur mais à l’inverse. Si de la troisième façon, alors l’ouïe ne serait pas parfaite en soi, si le son qui est entendu n’était pas comparé par le sens commun à la couleur de ce qui sonne ; et la vue ne serait pas parfaite en soi, si le sens commun ne composait pas la couleur avec la saveur et l’odeur de la chose vue, et ainsi des autres (sens).

De plus, on pose une question à propos de ce qu’il dit que les sens propres conseillent (suggerunt) le sens commun. Car ‘suggérer’ est entendu par lui comme conseiller, mais demander conseil n’est fait que par la vertu qui s’enquiert et compose et divise ; mais le sens commun ne compose et divise rien, comme il est clair par ce qui précède ; donc il semble que le sens propre ne conseille pas le sens commun.

De plus, on pose une question à propos de la raison du nom de cette puissance (potentie). Car Alfarabi dit dans son livre De somno et vigilia[24], que c’est autre chose de percevoir la forme comme sentie et autre chose (de la percevoir) comme phantasme et image. Car la forme sentie est perçue comme une chose présente, mais le phantasme et l’image sont perçus aussi en absence de la chose. Donc si le sens commun est un sens, il semble que sa tâche est de percevoir la forme avec la présence de la chose.

De plus, cela est clair par Avicenne[25], qui distingue entre l’œuvre du sens propre et du sens commun et de la représentation (imaginatio) ou de la vertu formative disant ainsi : « Mais si tu veux savoir la différence entre l’œuvre du sens extérieur et l’œuvre du sens commun et l’œuvre de (la vertu) qui forme (formantis), porte ton attention aux dispositions d’une seule goutte tombant d’une goutte et tu verras une ligne droite ; et porte ton attention aux dispositions d’un objet droit, dont le sommet est mu en rond, et un cercle sera vu. Il est impossible que tu perçoives la chose, ou bien la ligne ou bien le cercle, si tu ne l’as pas regardée souvent, mais il est impossible que le sens extérieur la perçoive deux fois, mais il la voit où elle est. Mais lorsqu’elle est inscrite dans le sens commun et est enlevée avant que la forme du sens commun n’est détruite, le sens extérieur la perçoit là où elle est, et le sens commun la perçoit comme si elle était là où elle était et comme si elle était là où elle est, et il voit l’étendu (distensio) circulaire ou droite. Et il est impossible au sens extérieur de comparer cela de quelque façon que ce soit, mais la vertu qui forme (formans) ou l’imaginative perçoit ces deux-là et leur donne forme, bien que la chose soit détruite, qui s’en est déjà allée ». De cela on apprend que le sens propre reçoit les qualités qui sont des sensibles propres avec la présence de la matière ; mais le sens commun reçoit la grandeur dans laquelle sont les sensibles propres, également avec la présence de la matière ; mais la vertu formative, ou l’imaginative, sans la présence de la matière. Puisque donc tout sens est capable de recevoir les aspects des sensibles (susceptivus sensibilium specierum) en présence de la matière, le sens commun sera un sens.

On pose donc la question pourquoi il est appelé commun. Car il n’est pas dit commun comme le genre ni comme un tout intégral ou ‘potestatif’. Car s’il était commun comme le genre, il serait prédiqué de chacun des propres, ce qui est faux. Mais si comme un tout, alors son essence ne serait rien en dehors des essences des sens propres, comme l’essence du tout est nulle en dehors de ses parties qui le constituent ; il reste donc que son caractère commun est de la part de l’objet. Car puisque chacun des sens propres reçoit le sensible qui lui est approprié, ce sens-là, auquel sont référés tous les sensibles, n’aura pas le caractère (ratio) du propre, mais il aura le caractère du commun.

De plus, il semble que le sens commun est également appelé commun par un autre caractère (ratio) de communauté. Car bien que la couleur diffère de la saveur et de l’odeur, et ainsi des autres, elles ont néanmoins un sujet (subiectum) commun ; car c’est le même sujet dans lequel sont la couleur et l’odeur et la saveur, le son et les qualités du toucher. Donc puisque le sens commun est en soi mu par la grandeur du sujet, qui est le sujet commun de tous les sensibles, cela sera un autre caractère (ratio) de sa communauté.

De plus, le troisième caractère (ratio) de sa communauté est que les sens propres sont référés à lui comme à un centre unique de tous les sens, comme le dit Avicenne[26]. Donc, puisque ce qui est référé à plusieurs ne peut pas être propre à quoi que ce soit, parce que le propre convient à un seul, cela semble être le troisième caractère (ratio) de sa communauté.

Solution : Nous concédons ces derniers arguments qui montrent pourquoi le sens commun est dit sens et pourquoi il est dit commun.

A propos de la première définition il faut dire que celle-là est donnée par la matière propre de cette puissance (potentie) qui est l’organe et celle-là est concernée (tangitur) par ce qu’il dit « puissance placée dans la première concavité du cerveau »[27]. Car la première concavité du cerveau est le lieu dans lequel il y a le premier rassemblement du souffle  animal, qui par la distribution aux organes particuliers fait fonctionner (operatur) les cinq sens. Et cette définition concerne également le caractère de communauté par ceci qu’elle est dite « recevant par elle-même toutes les formes ». Et elle concerne le caractère de l’objet propre de cette faculté par ceci qu’il dit « qui sont imprimées aux cinq sens ». Car aux cinq sens sont imprimés d’abord les sensibles propres, et ensuite les sensibles communs ; et les mots d’Avicenne doivent être entendus de façon formelle (formaliter), de telle sorte que le sens est que le sens commun reçoit les formes qui sont imprimées aux sens en tant qu’elles sont imprimées aux sens. Et puisqu’il y a une différence entre la forme sentie et le phantasma et l’image, il est clair que par cela le sens commun est distingué de la phantasia et de la représentation (imaginatio) et des autres puissances intérieures ; et ainsi le premier point est résolu.

A propos de l’autre point <il faut dire> qu’Avicenne prend la phantasia dans un sens large en tant qu’elle comprend le sens commun et la représentation (imaginatio), et à cause de cela il l’appelle parfois sens commun et parfois représentation.

A l’autre point il faut dire que les mots d’Avicenne sont compris ainsi que le ‘visage’ formel, ou de la représentation (imaginatio), est du sens commun non pas de façon essentielle, mais comme de celui qui imprime, de telle façon que le sens commun est un génitif (genetivi casus). Et cela est clair par ce qui suit immédiatement, car il ajoute[28] ainsi : Car le sens commun rend à la vertu formative, comme pour le replacer (reponendum), tout ce que lui rendent les sens.

A l’autre il faut dire que l’objet dans la phantasia et dans la représentation (imaginatio) et dans le sens commun n’est pas dans le même rapport (eiusdem rationis), comme il est clair par ce qui précède. De plus, ce n’est pas la même vertu qui reçoit et retient, comme il était clair plus haut dans les objections.

A propos de cette objection que par la composition et la division le sens commun et la phantasia ne diffèrent pas, nous le concédons bien. De même, ces objections qui prouvent que le sens commun et la phantasia ne sont pas la même chose, nous les concédons de toute évidence (de plano).

A propos de la définition d’Algazel nous disons qu’elle est en raison du nom du sens commun. Car le sens commun est dans l’organe à partir duquel le souffle animal qui opère le sens est envoyé aux organes des sens propres et Algazel fait référence à cela quand il dit « duquel tous les (sens) propres sont dérivés ». De même, le sens commun est celui qui est mis en action par les sensibles de tous les sens propres et à cela il réfère quand il dit « auquel chaque impression d’eux est renvoyée ». De même, le sensible (sensatum) commun, qui est du sens commun en soi et premièrement, est cela qui combine tous les sensibles propres, comme il apparaît dans les derniers arguments avancés. Et à cela il réfère quand il dit « dans lequel tous sont combinés, c’est-à-dire qui par son objet (obiectum) combine les sensibles (sensata) de tous. Et puisqu’un seul sensible propre ne montre pas comme il faut et suffisamment ce qui est nocif et ce qui convient à l’animal qui sent, car par la couleur la chose colorée n’est pas suffisamment connue, mais il faut combiner beaucoup de sensibles, laquelle combinaison est le fait du sens commun, pour cela il dit que tous les autres conseillent (suggerunt) le sens commun à propos de la connaissance du sensible. Et pour cela Avicenne[29] dit aussi que la connaissance du sens propre n’est complète que par la connaissance du sens commun.

Et à l’objection pour la position contraire il faut dire qu’en ce qui concerne la distribution du souffle animal les sens propres sont dérivés du sens commun, et sous ce rapport (quoad hunc respectum) le sens commun est antérieur aux sens propres.

Et ainsi le deuxième point est résolu.

A l’autre il faut dire que l’impression du sens propre est renvoyée au sens commun, parce que l’action du sens propre et du sens commun est la même, comme il a été expliqué  dans la question précédente.

A l’autre il faut dire que les sens propres pour ce qui est de leurs ressentis (sensata) sont combinés dans le sens commun ; ils sont aussi combinés en lui comme dans ce qui les perfectionne (sicut in perfectivo), car bien que le sens propre ne se trompe pas dans le sensible propre, pourtant sur la base d’un seul sensible le particulier qui est dans le sens n’est pas connu parfaitement, mais <il l’est> sur la base de multiples (sensibles), lesquels multiples sont combinés par le sens commun.

Au dernier il faut dire que ‘conseiller’ (suggerere) est mis ici pour l’attente (exspectatio) du complément de connaissance à propos du particulier, qui est dans le sens. Car celle-ci (i.e. la connaissance) n’est pas complète dans un seul sensible, mais dans tous les sensibles, qui sont dans le particulier posé dans le sens, comme il est clair dans la connaissance de l’or, qui, puisqu’il n’est pas suffisamment connu par la couleur, est examiné par rapport au tintement (tinnitus) et au son, et s’il n’est pas suffisamment connu par ces deux, il est examiné par rapport à l’odeur, car il a une moindre odeur que le cuivre, et si non par ces trois, il est examiné par rapport au poids, qui est perçu par le toucher. Et ces sensibles sont combinés par le sens commun.

 

<3. Sur l’organe du sens commun>

 

Troisièmement on pose une question sur l’organe du sens commun.

Et il apparaît du passage d’Avicenne cité plus haut que la première concavité du cerveau est l’organe du sens commun.

De même, Avicenne à la fin du livre VI du De animalibus : « La vertu formative (formalis) et le sens commun se font (fiunt) dans la première partie du cerveau pendant que le souffle remplit ce ventricule ; et toutes ces choses-là n’étaient (fuerunt) pas comme ça, si ce n’est que pour qu’ils (c’est-à-dire la vertu formative et le sens commun) regardent par-dessus (supra) les sens propres, dont plusieurs sont dérivés de la première partie du cerveau » [30].

De même, le sens commun reçoit (des sensations) des sens propres ; donc son organe sera situé après l’organe des sens propres, et ainsi dans la partie antérieure du cerveau.

En plus, le souffle animal fait une sensation (facit sensum) ou un mouvement ; mais dans la partie antérieure du cerveau il fait une sensation, dans la partie postérieure un mouvement ; donc l’organe du sens commun, puisqu’il est rempli du souffle sensible, sera dans la partie antérieure du cerveau.

Mais contre cela, il semble qu’il est dans le cœur. Car Avicenne dit : « Le sens du cœur, et en particulier le toucher, est plus grand que le sens du cerveau même » [31]. Donc, puisque le sens commun est ce en quoi se terminent les sens propres, comme le dit Avicenne[32], il apparaîtra que l’organe du sens commun est dans le cœur, selon que le toucher se termine en lui.

En plus, plus haut[33] il a été dit que le goût et le toucher ont leurs instruments au niveau du (circa) cœur, et ainsi le sens commun, en ce qui concerne le jugement des saveurs et des tangibles, semble avoir son organe au niveau du cœur.

Solution : Comme le dit Avicenne, « la disposition du sens commun est telle qu’à partir de lui est le commencement de n’importe quelle vertu sensible, et ensuite elle revient à lui avec du gain » [34]. Car puisque les nerfs du sentir sont nés de la première partie du cerveau[35], parce que la première partie est plus molle, et la qualité du mou fait beaucoup pour les impressions des sensibles, nous disons que l’organe du sens commun est dans la première concavité du cerveau, qui est pleine du souffle sensible.

A l’objection qui est avancée pour la position contraire, il faut dire que le toucher, en tant qu’il est juge des choses tangibles, et le goût, en tant qu’il est juge des saveurs, proviennent de la première partie du cerveau, comme il a été déterminé plus haut[36]. Mais en tant qu’ils sont des sens de la nourriture, ainsi ils se rapportent au cœur comme l’organe d’où provient le début de la digestion. Mais Avicenne[37] résout le problème autrement, disant que rien n’empêche qu’une vertu ait son origine dans un membre et est rendue parfaite (perficitur) dans un autre et alors, complétée, retourne vers le premier. D’où il pense (vult)[38] que la vertu sensitive provient du cœur et est rendue parfaite dans le cerveau, comme aussi la vertu nutritive provient du cœur et son complément est dans le foie, bien que le contraire de cela semble être dit par Averroès[39], et le sens commun est le point terminal des sens propres, selon qu’ils sont dans la vertu sensible rendue parfaite, et à cause de cela son organe est dans la première concavité du cerveau.

 

<Sur l’objet du sens commun>

 

Quatrièmement on pose la question sur l’objet du sens commun.

Le Philosophe dans le deuxième livre du De anima énumère cinq sensibles communs, à savoir « mouvement, repos, forme (figura), nombre, grandeur » [40].

Mais alors on pose la question, puisque le temps et le lieu sont aussi des quantités continues[41], par quel sens le temps singulier et le lieu singulier sont perçus.

De plus, puisque le discours est une quantité discrète[42], et qu’un discours singulier est autre chose, on demande par quel sens il (le discours) est perçu.

De même, puisque le temps est une quantité en soi, mais le mouvement par accident[43], le temps semble être davantage le ressenti (sensatum) de cela dont le propre est de percevoir la quantité plutôt que le mouvement.

De même, puisque le repos est la privation du mouvement, le repos semblera ne pas être perçu sinon par le mouvement, comme le silence (n’est perçu que) par le son, et ainsi le repos ne sera pas une chose sentie en soi.

De même, la forme (figura) est une espèce de qualité[44] et ainsi il ne semble pas concerner le sens commun, dont le propre est de percevoir les quantités singulières.

En plus, on demande immédiatement après (iuxta) cela si ces cinq choses sont des choses ressenties (sensata) du sens commun l’un autant que l’autre[45].

Et il semble que non, parce qu’Aristote dit vers la fin du deuxième livre du De anima[46] que nous sentons tous les autres (sensibles) par le mouvement ; il semble donc que le mouvement est le premier sensible et que les autres sensibles sont postérieurs ; et ainsi les cinq ne seront pas les premiers au même degré (aeque).

Si peut-être ceci est concédé, (on dit) à l’encontre : Car nous sentons quelque chose au repos qui ne bouge pas ; et nous percevons sa grandeur sans mouvement ; il semble donc que nous ne sentons pas toujours les autres choses par le mouvement.

Si peut-être on dit qu’en vérité ces choses ne sont pas des sensibles premiers au même degré (aeque primo), mais que l’une est sentie par l’autre, comme la magnitude par la forme (figura), à cause du fait qu’Aristote dit (dicat) que « la forme (figura) est une certaine magnitude »[47], alors il semble y avoir plusieurs ressentis (sensata) du sens commun. Car plus haut il a été dit que le sens commun perçoit tous les ressentis (sensata) des sens propres postérieurement, et ainsi tous les objets des autres sens seront également les objets du sens commun.

En plus, le sens commun ne semble pas être un seul sens. Car ce sens est un, qui est des contraires d’un seul genre ; mais les cinq qui ont été énumérés ne sont pas réduits à un seul genre proche ni même à un seul genre éloigné, parce que la forme (figura) est dans le genre de la qualité ; donc le sens commun ne semble pas être un seul sens.

En plus, Aristote pose la question dans le livre De sensu et sensato[48], si tout sensible est divisible à l’infini grâce à la magnitude, qui est un sensible (sensatum) commun et dans laquelle comme dans un sujet est le sensible propre, c’est-à-dire de telle façon que les moindres choses reçues par division sont sensibles. Et il argumente cela ainsi : Tout corps est divisible à l’infini ; un corps sensible est un corps ; donc un corps sensible est divisible à l’infini ; mais le sensible n’est divisé que par des sensibles ; donc les infinis (infinita) reçus par division seront des sensibles.

Ensuite il argumente pour la position contraire[49] concluant à un triple inconvénient, si cela est dit, ainsi : […].

Ensuite il argumente de nouveau[50] contra cela, ainsi : […].

En plus il donne un argument[51] basé sur l’opinion de Démocrite et Leucippus, […].

Ensuite, Aristote donne une solution[52] ad hominem et non ad orationem distinguant une double division. Car […].

Mais parce que cette solution ne résout pas (le problème), Aristote objecte à l’encontre[53] disant que […].

Solution : Il faut dire selon Alfarabi[54] et Avicenne[55] que le sens commun est supposé à cause de la composition et de la distinction des sensibles propres, et pour cette raison les objets du sens commun sont multipliés selon que par eux il peut établir l’identité ou la diversité entre les sensibles (sensata) propres. Mais cette identité ou diversité est située dans les sensibles considérés selon l’être ou selon le devenir. Car un sensible est connu comme identique ou différent des deux façons. Et s’il est considéré selon l’être, il sera donc ou bien le principe par lequel est posée la diversité, et ainsi il sera un nombre, ou bien par lequel est posée l’identité, et cela de deux façons, à savoir de façon commune aux sensibles (sensata) intrinsèques et extrinsèques, et ainsi il sera une magnitude, qui unit en soi les qualités du goût et du toucher, qui sont intrinsèques, et les qualités de l’ouïe et de la vue, qui sont extrinsèques, et les qualités de l’odorat (odoris), qui sont intermédiaires. Ou bien il sera propre par rapport aux choses extrinsèques, et ainsi il est forme (figura) ; car la forme (figura) est la terminaison extérieure de l’ensemble (quantum), dans laquelle (in qua, i.e. terminatione ?) les sensibles (sensata) extérieurs sont unis comme dans le sujet (subiectum). Mais si le sensible, en tant qu’il est considéré comme en devenir, est connu comme identique ou différent par rapport à un autre sensible par un sensible (sensatum) commun, cela sera de deux façons, à savoir en puissance ou en acte ; et si en puissance, alors il est repos ; et si en acte, alors il est mouvement.

Donc, il faut dire au premier (argument) que le temps est réduit au mouvement comme à sa cause et son objet […][56].

A l’autre il faut dire que le discours selon la matière est un corps, comme dit Priscien[57], que la voix est de l’air très ténu frappé (ictus) […].

A l’autre il faut dire […].

A l’autre il faut dire […].

A la question qui est posée dans ce contexte (iuxta hoc), si ces cinq sont au même degré des sensibles (sensata) communs, il faut dire que […].

Et à l’objection qui est faite qu’Aristote dit que nous sentons des choses différentes par le mouvement, il faut dire […].

A la question qui est posée ensuite sur la question d’Aristote dans le livre De sensu et sensato, il faut dire […].

Mais note que certaines petites choses sont sensibles dans l’acte selon un sens et en puissance selon un autre, comme les grains de millet tombant dans le boisseau pendant la journée, lorsqu’on peut discerner la couleur de chaque grain, chacun d’eux provoque la sensation (facit sensum) de la vue en acte, mais pourtant ils n’agissent pas sur l’ouïe sinon en puissance, c’est-à-dire selon qu’ils constituent le tout qui est le boisseau ; car chacun d’eux ne donne du son qu’en puissance, bien qu’il soit vu en acte.

Et à la question qui pourrait être posée, pourquoi il y a seulement cinq sensibles (sensata) communs, l’argument donné au début des solutions peut suffire. Ou on peut dire autrement et mieux, à savoir […].

Et par cela la solution de la question posée plus haut, à savoir si le sens commun est un ou pluriel, est claire. Car il faut dire qu’il est un ; et puisqu’il est plus ‘formel’ (formalis) que les sens particuliers, il sera aussi plus universel ; car il reçoit tout ce que le sens propre reçoit ultérieurement (per posterius), et en plus sa sensation (sensatum) par lui-même. Et cette objection qui a été faite pour le contraire n’est valable que pour le sens propre.

 

<Sur l’action du sens commun>

Cinquièmement, on pose des questions sur l’action (actus) du sens commun. Et on pose trois questions. Dont la première est quelle est l’action du sens commun ; la deuxième si le sens commun étant un reçoit aussi en un seul temps les divers sensibles (sensata) ; la troisième est comment il se fait que le sens commun est vrai et faux et qu’il ment et dit le vrai.

 

<1. Quelle est l’action du sens commun>

Pour la première question on procède ainsi : Aristote prouve dans le deuxième livre De anima[58] que le sens commun agit sur les sensibles (sensata) communs.

Et son premier argument est celui-ci : […].

Un autre argument est parce que le sensible commun est senti par le sens propre, comme le sensible d’un autre sens ; mais le sensible d’un autre sens est senti par accident ; donc aussi le sensible commun (est senti) par accident. Puisque donc il est un sensible en soi, le sens commun recevra celui-là en soi. Mais le Philosophe[59] prouve que l’acte du sens commun aussi est de percevoir les sensibles propres. Car […].

En plus, […].

En plus, le Philosophe[60] prouve que sentir les actes des sens propres appartient au sens commun, comme ‘je vois que je vois’ ou ‘je sens que j’entends’. Et ceci est son argument : […].

En plus, tout ce qui est vu est ou bien une couleur, ou bien il a une couleur, ou bien il est l’acte de la couleur, qui est la lumière ; mais l’acte de vivre est ni couleur, ni ayant une couleur, ni l’acte de la couleur qui est la lumière ; donc il n’est pas senti par la vue mais par le sens commun. Et c’est pareil des actes des autres sens.

Mais contre cela est le fait que les puissances sont définies par les actes, et les actes par les objets. Si donc le sens commun a trois actions […].

En plus, […].

De même, […].

En plus on demande, lorsqu’il est dit ‘je vois que je vois’ ou ‘je sens que je sens’, si par la même perception en nombre l’acte et l’objet sont perçus ou par (une perception) différente. Si par la même […].

Solution : Il faut dire qu’il y a trois actes du sens commun, comme il a été prouvé par les arguments du Philosophe, mais ils ne conviennent pas de la même manière au sens commun[61]. Car la perception du sensible commun est son acte en soi et il est défini par lui. Et la perception du sensible propre lui convient postérieurement, c’est-à-dire dans la mesure où le sensible propre est dans le sensible commun comme dans son sujet (subiecto) ; mais la perception des actes lui convient par accident, c’est-à-dire dans la mesure où chacun des (sensibles) propres est reconduit vers lui. Car comme le dit Avicenne, tous les sens propres ont leur origine dans le sens commun et reviennent à lui avec du gain (cum lucro)[62].

Et par cela la solution du premier point est claire.

A l’autre il faut dire […].

A l’autre il faut dire […].

 

<2. Si le sens commun étant un reçoit aussi en un seul temps les divers sensibles (sensata)>

 

Deuxièmement on pose la question Si le sens commun étant un reçoit aussi en un seul temps les divers sensibles (sensata).

Et il semble que non. Car l’un simplement est un en acte ; mais le sens commun est une puissance passive et est induit en acte par le sensible ; il semble donc que par les divers sensibles il est divers en acte, et ainsi il juge les diverses choses non pas étant un en acte ; car en jugeant diverses choses il est induit en acte par diverses choses.

De la même manière il semble qu’il ne juge pas diverses choses dans le même temps, parce que dans le même temps il ne peut pas être diverses choses (diversa) selon l’acte.

En plus, […].

Si peut-être on disait que le sens commun est un en puissance et double dans l’organe, comme la vue, parce qu’elle a deux yeux, cela n’est pas possible, parce que […].

Si encore on disait que les sensibles propres sont unis quand ils viennent au sens commun, alors […].

Si à cause de cela quelqu’un disait que le sens commun en un et le même temps n’a pas des sensibles divers en soi, mais successivement, (il faut dire) à l’encontre […].

La solution de cette question est double, transmise par Aristote à la fin du deuxième livre du De anima[63] et à la fin du De sensu et sensato[64]. Dont l’une est basée du point de vue (ex parte) du sens commun, l’autre du point de vue de son objet.

Du côté du sens est celle-ci que le sens commun est un d’une façon et d’une autre façon pluriel selon l’acte. Car il est considéré en soi, et ainsi il est un. Il est considéré aussi en proportion aux sens particuliers, qui ont leur origine en lui et retournent à lui, et ainsi il est pluriel et divisible. Et une chose semblable à cela est dans le centre d’un cercle, à partir duquel des lignes partent vers la circonférence. Car si le point est considéré en soi, alors il est un, mais si en comparaison aux lignes, alors il est en raison (in ratione) d’un principe multiple.

Du côté de l’objet il y a également une double considération. Car si la grandeur du sujet, qui est l’objet du sens commun, est considérée en soi, alors il y a un sensible (sensatum) du sens commun. Mais s’il (le sujet) est considéré par rapport aux sensibles propres qui sont en lui, c’est-à-dire le blanc et le doux et ce genre de choses, alors il est en raison de plusieurs. Mais lorsque le sens commun se retourne vers son sensible, il peut se retourner de deux façons, à savoir comme à un seul, ou comme à de multiples (sensibles) qui sont unis en un seul. Si de la première façon, alors il est en un seul temps indivisible. Si de la deuxième façon, alors il n’est pas en un seul temps indivisible. Ce qui est prouvé ainsi : car le sens commun se tourne vers un objet (subiectum) quelconque, dans lequel il y a le blanc et le doux, en établissant l’identité et la diversité entre eux par cet objet, alors cet objet sera comme un point (punctum) continuant le blanc et le doux. Donc bien que le rapport de l’objet au doux et au blanc ne soit pas le même, il faut qu’il utilise l’unique et même objet deux fois, à savoir la proportion au blanc et la proportion au doux ; donc il lui arrivera nécessairement de s’arrêter un moment (quiescere accidet de necessitate) ; et ainsi le mouvement vers le blanc et le mouvement vers le doux ne seront pas dans le même temps sans interruption, mais dans des temps qui se suivent. Et cela est ce que dit Aristote dans le deuxième livre du De anima dans la solution de la même question : « Comme certains disent du point : en tant qu’il est un et non deux, ainsi il est aussi indivisible ; selon cela donc qui est indivisible, il est une chose (unum) qui discerne et dans le même temps, mais selon cela qui est divisible, il n’est pas une chose. Car il se sert du même signe deux fois en même temps. Mais en tant qu’une seule chose, il juge une seule fois et en même temps ». Mais on pourrait dire que ces choses entre lesquelles le sens commun établit la ressemblance (convenientia) et la diversité, sont ordonnées (ordinata), et ainsi rien n’empêche qu’il y a un mouvement sur les deux (super duo) et dans le même temps.

Il faut donc dire au premier argument que les divers sensibles ne sont pas au même titre simultanément dans le sens commun selon l’acte, comme le prouve l’objection ; mais les divers sensibles ayant un ordre par rapport à l’un dans lequel ils sont comme dans le sujet, peuvent bien être dans le sens commun en acte par l’aspect (species) de cet objet (obiectum). De la même façon aussi les divers sensibles ayant un ordre entre eux, de telle façon que le jugement du sens commun passe de l’un à l’autre, peuvent bien être dans le sens commun. Car comme tout rapport (ratio) de ressemblance et de différence est en comparaison à quelque chose qui est un et le même, cette chose sera le principe pour connaître la ressemblance et la différence ; et ainsi le sens commun a en soi l’aspect de cela comme acte simplement, mais il a l’aspect d’autres (sensibles) comme acte qui n’est pas un acte simplement, mais qui est acte par rapport à celui-là.

Et par cela la solution au deuxième argument est claire aussi, parce que comme il y a identité et diversité dans l’acte du sens commun, ainsi il y a diversité et identité dans le temps qui mesure cet acte.

Et par cela la solution à l’ensemble est claire.

 

<5.3 Comment il se fait que le sens commun est vrai et faux et ment et dit le vrai>

 

Troisièmement on pose la question comment il se fait que le sens commun est vrai et faux et ment et dit le vrai.

Car il semble qu’il est toujours vrai, parce que le sens commun reçoit du sens propre la sensation (sensatum) propre ; et concernant celle-là il n’y a pas d’erreur, donc il n’y aura pas d’erreur non plus concernant le sens commun.

De même, le sensible met le sens commun en marche (movet), comme il a été dit plus haut ; et le sensible est toujours en présence de la matière ; donc ce qui met le sens commun en marche est en présence de la matière ; mais ce qui est présent dans la matière est toujours vrai ; donc le sens commun sera toujours vrai.

De même, tout ce qui est dans une chose démontrable est vrai et non faux ; tout ce qui est présent dans une chose est dans une chose démontrable ; donc il est vrai et non faux ; et le sens commun est dans la chose présente seulement ; donc le sens commun sera vrai seulement et pas faux.

Mais contre cela est ce que dit Aristote, que le vrai et le faux sont selon le sens commun, dans le troisième livre du De anima, ainsi : « Sur le fait que c’est blanc il ne ment pas, mais en tant que ce blanc est ceci ou un autre, il ment »[65] ; et un peu plus loin : « Le mouvement et la grandeur sont des accidents (accidunt) aux sensibles, et sur ces choses on peut se tromper beaucoup selon la sensation (sensum) »[66].

Solution : Il faut dire que le sens commun a plusieurs actes, comme il a été déterminé plus haut. L’un d’eux est de composer et de diviser les sensibles propres avec le sensible commun et entre eux, et par cet acte il lui arrive de mentir et de dire le vrai. Car lorsqu’il compose selon ce qui est dans la chose, alors il dit le vrai ; mais lorsque c’est autrement que dans la chose, alors il ment et il se trompe, comme lorsqu’il compose le jaune du miel avec le sujet de la bile, il juge que le miel est de la bile parce qu’il s’est trompé.

Au premier argument il faut donc dire que les sens propres sont vrais, parce qu’ils ne composent rien ; et bien que le sens commun soit mis en acte par les sensibles propres, pourtant il est se trompe non selon qu’il est mis en acte par eux, mais en tant qu’il compose les sensations propres.

A l’autre il faut dire que le présent dans une chose est simple et l’erreur ne vient pas de là, mais de ce que le sens commun ajoute au-delà de la chose, et cela est la composition et la division des sensibles.

Et par cela la solution au dernier argument est également claire.

 

 

 

<Sur les parties de l’âme sensible qui perçoivent de l’intérieur>

 

(Sur la représentation (imaginatio), quatre questions sont posées ; suivent ici les passages dans lesquels le sens commun est mentionné.)

<1, 1 Qu’est-ce que la représentation>

Au premier point on procède ainsi :

Algazel dit : « La représentation (imaginativa) est la vertu qui retient ce qui a été imprimée au sens commun »[67].

De même, Avicenne : « La forme du sensible est retenue par cette vertu qui est appelée ‘formative’ (formalis) et représentation (imaginatio), et elle ne discerne cela d’aucune façon sinon qu’elle le retient seulement »[68].

Mais contre cela on objecte ainsi : (1) les puissances sont définies par leurs objets ; donc, puisque le sens commun reçoit la forme du sensible, il ne semble pas être différent de la représentation.

(2) Cela apparaît également par Avicenne, qui dit que « le sens commun et la représentation (imaginatio) sont comme une seule vertu »[69].

(3) De plus, il semble que la représentation ne diffère pas de la phantasia. Car Aristote dit que la phantasia est la puissance selon laquelle nous est fait un phantasme (phantasma)[70] ; et un phantasme est la forme du sensible, donc il semble que la représentation est la même chose que la phantasia.

(4) De même, cela apparaît également par Aristote dans le troisième livre du De anima, où il distingue les puissances intermédiaires entre l’intellect et le sens[71], et il ne suppose pas la représentation et la phantasia comme des puissances différentes.

(5) De même, dans le chapitre De memoria et reminiscentia il semble dire que la représentation et la phantasia ne diffèrent pas par le sujet, mais en raison du nom seulement, par ces propos […].

(6) De même, il semble que […].

(7) De plus, Avicenne dit […].

(8) De même, Avicenne[72] dit expressément que la représentation (imaginativa) est un dépôt (thesaurus) dans lequel le sens commun dépose les formes, et auquel se tournent la phantasia et la vertu cogitative. Et Algazel[73] dit la même chose, c’est-à-dire que la vertu de la représentation (virtus imaginativa) ne diffère pas du sens commun sinon dans le fait qu’elle retient ; car c’est ainsi dans les vertus corporelles que c’est la fonction d’une vertu de recevoir et d’une autre de retenir, car le sec retient bien et reçoit mal, l’humide retient mal et reçoit bien.

Solution : Il faut dire que la représentation est considérée de façon multiple et selon cela elle a également des noms multiples. Car quelquefois elle est dite une puissance (vis) qui retient les images des sensibles, en l’absence des sensibles, (envoyées) par les organes du sens commun et du sens propre ; et ainsi elle est dite proprement une vertu de l’âme sensible située immédiatement après le sens commun, dans laquelle sont conservées les images reçues par les sens, et selon diverses considérations elle a trois noms […].

Quelquefois la représentation (imaginatio) est dite toute vertu de l’âme sensible qui opère sur le sensible reçu par les sens […].

Quelquefois la représentation (imaginatio) est dite […].

Quelquefois aussi la représentation est dite […].

Quelquefois aussi la représentation est dite la puissance (vis) à partir de laquelle les images déposées refluent sur l’organe du sens commun, et ainsi Aristote la prend dans le deuxième livre du De sompno et vigilia, où il dit que dans le sommeil les images du sommeil (somniales) refluent vers l’organe du sens commun[74].

Mais de la manière la plus appropriée la représentation doit être prise comme la vertu retenant les images des sensibles, la chose n’étant pas présente, et sans cela qui élicite d’elles en composant ou en divisant certaines intentions non reçues par le sens ; car cela est la fonction de la phantasia selon Avicenne[75] et Algazel[76].

Et ainsi nous répondrons aux objections : (ad 1) Il faut donc dire au premier point que la représentation est définie par le fait qu’elle retient, à la différence du sens (commun). Car le sens reçoit et ne retient pas sinon en présence de la chose, mais la représentation retient les (images) reçues par les sens. On dit qu’elle (les) reçoit du sens commun, parce que de lui elle reçoit de la façon la plus proche. Et ce que dit Avicenne[77], que « elle ne discerne cela d’aucune façon », il faut le comprendre d’un double discernement. Dont l’un est du sens commun et l’autre de la phantasia. Car le sens commun discerne en composant les sensibles (sensata) propres entre eux et les (sensibles) propres avec les (sensibles) communs, et cela en présence de la chose, et pour cette raison ce discernement est le discernement de la chose par les aspects (per ea) qui sont vraiment reçus dans les sens. Mais la phantasia discerne en composant et en divisant les images, qui sont dans l’âme, la chose n’étant pas présente, et en élicitant d’elles certaines intentions, qui ne sont pas reçues par les sens, mais qui sont pourtant liées aux sensibles, comme est ami et ennemi, ce qui convient et ne convient pas, comme l’intention de la douleur est liée à la figure du bâton et l’intention de l’ennemi avec la figure du loup pour la brebis, et l’intention de la pitié avec la figure de son agneau, et ce genre de choses. Et aucun de ces discernements n’appartient à la représentation (imaginativa), dont la définition propre est de la rétention des images et non du discernement de celles-ci.

(ad 2) A ce qui est objecté à cela il faut dire que, bien que le sens reçoive de telles formes et pareillement la représentation, pourtant le sens est proprement défini par le recevoir et la représentation par le retenir, car la force qui retient est faible dans le sens par le fait qu’il ne retient qu’en présence de la matière, mais la force réceptive est forte, par le fait qu’il reçoit facilement, mais c’est le contraire dans la représentation. Et cette solution est selon les philosophes[78]. Mais il y a certains auteurs (quidam) qui distinguent les forces de l’âme selon le mode d’une abstraction plus grande ou moins grande, disant que le sens abstrait de la matière, mais pas de la présence de la matière, et la représentation et de la matière et de la présence de la matière, et pour cette raison la fonction (ratio) de l’objection, sont réduites de part et d’autre.

(ad 3) A l’autre il faut dire […]

(ad 4-5) Par ceci la solution aux deux points suivants est claire aussi.

(ad 6) A cela qui est objecté qu’elle ne diffère pas de la mémoire, il faut dire que …

(ad 7-8) Et par cela la solution aux points suivants est également claire.

 

<1, 2 De l’objet de la représentation>

Arguments basés sur Gregorius Nissenus, Hilarius, Johannes Damascenus, amenant à la question : On pose donc la question si ces images ont une quantité ou non. Dans la discussion le sens commun est mentionné, mais sans ajout nouveau.

 

<1, 3 De l’organe de la représentation>

[…]

Solution : Il faut dire avec les autorités que l’organe de la représentation est dans la première partie du cerveau. Mais la première partie est divisée en trois parties, à savoir dans celle qui est le plus étroitement liée aux organes des sens, à laquelle recourent immédiatement les nerfs sensibles, et dans celle-là est le sens commun ; et (elle est divisée) dans cette partie qui est après celle-là au milieu, qui n’abonde pas autant d’humidité mais est un peu (aliquantulum) limitée par le sec, et dans cette partie est l’organe de la représentation, auquel il appartient de retenir les formes en absence de la chose, et ceci en vertu du sec qui limite l’humide. Mais dans la dernière partie de la première partie sont situées la phantasia et l’estimatio, comme il paraîtra plus loin.

[…]

 

<1, 4 De l’acte de la représentation>

Le sens commun est cité, mais sans apport nouveau.

 

Dans le chapitre 2, sur la phantasia, le sens commun figure naturellement aussi, mais la discussion ne semble pas apporter des éléments nouveaux sur ce sujet.

 

Thèmes :

  • nécessité du sens commun
    • perception et distinction de sensibles différents
    • impressions ne correspondant pas aux choses réelles
    • le sens commun diffère de tous les autres sens
  • la nature du sens commun
    • définitions de divers auteurs (Avicenne, Algazel)
    • différence avec la phantasia
    • différence entre forme et phantasma
    • rapports entre sens propres et sens commun
    • différence avec l’imaginatio ou vertu formative
    • pourquoi appelé commun
  • l’organe du sens commun : le cerveau plutôt que le cœur
  • l’objet du sens commun
    • les sensibles communs
    • composition et distinction des sensibles propres, dans l’acte ou en puissance
    • unité du sens commun
  • l’action du sens commun : perception du sensible commun, perception du sensible propre, perception des actes
    • la perception simultanée des divers sensibles (solution double ; exemple du point)
    • comment le sens commun peut se tromper
  • (dans le chapitre sur l’imaginatio) l’imaginatio retient, contrairement au sens commun, les images des sensibles en leur absence ; différence entre sens commun, phantasia et imaginatio
    • localisation de l’imaginatio dans le cerveau, jouxtant le sens commun

 

 

Commentaire :

 

Le traitement de la perception par les sens extérieurs et intérieurs est très long ; dans l’édition de Borgnet (Paris 1896) l’ensemble occupe 178 pages : pp. 164-306 pour les sens extérieurs et 323-361 pour les sens intérieurs ; dans l’édition d’Anzulewicz les pages correspondantes sont 145-267, 267-281 (sens commun), 282-317.

A propos des questions abordées par Albert dans ce traité, voir Anzulewicz (« Konzeptionen … », pp. 208-238). Pour le passage cité ci-dessus, l’édition d’Anzulewicz & Söder cite en parallèle notamment Pseudo-Albertus, De sensu communi, Iohannes de Mechlinia, Tractatus de homine (éd. Pattin, Pour l’histoire du sens agent, XVe s.) et le Speculum naturale de Vincent de Beauvais (éd. Douai 1624 ; réimpr. Graz 1964-65), dont la première version a été complétée en 1244. En ce qui concerne les sources utilisées, il est clair qu’Albert reproduit à plusieurs endroits des passages du De anima et de potenciis eius (cf. Gauthier, « Le traité … », pp. 19-21). Pour la deuxième question, cf. Iohannes de Rupella, Summa de anima (éd. Bougerol, p. 240).

Comme le fait observer Henryk Anzulewicz (ibid., pp. 202-203), on peut constater une différence entre ce traité et le commentaire au De anima dans la place accordée au sens commun : dans son commentaire, Albert range le sens commun parmi les facultés intérieures en intégrant dans son interprétation des éléments néoplatoniciens ; ce n’est pas le cas dans le De homine (ou Questiones de anima). Le sens commun est ici une sorte de faculté intermédiaire entre la perception extérieure et la perception intérieure, comme le décrit Isaac Israeli dans son De elementis (II, dans Omnia Opera Ysaaci, Lyon 1515, f IXra). Dans le De homine, les sens intérieurs sont imaginatio (représentation), phantasia, estimatio, memoria et reminiscentia, tandis que dans le commentaire sur le De anima on retrouve la classification habituelle, que l’on a déjà vue chez les auteurs précédents : sensus communis, imaginatio, phantasia, estimatio, memoria. De plus, Albert parle dans son traité De homine, à propos de la localisation des vertus intérieures, de trois ventricules dans le cerveau, mais le ventricule moyen semble être vide, tandis que dans son commentaire, bien postérieur, il reprend la discussion et suit cette fois la localisation habituelle (voir ci-dessous, n° 16).

Carla di Martino (op. cit., pp. 71-84) discute les passages sur les sens intérieurs dans les deux œuvres et fait notamment observer que les différences s’expliquent en partie par la différence de genre littéraire : le De homine est un traité dans lequel Albert analyse les fonctions des sens intérieurs, tandis que le commentaire sur le De anima veut surtout expliquer la philosophie d’Aristote (voir aussi ci-dessous n° 16).

Comme Carla di Martino, J.A. Tellkamp (op. cit., pp. 308-312) note que la classification des sens internes dans le De homine est largement tributaire d’Avicenne. Il suggère qu’Albert a mal compris le texte de Costa ben Luca à propos des ventricules, ce qui a provoqué l’étrange vide du ventricule moyen, mentionné plus haut.

On doit en tout cas constater que la discussion des sens intérieurs dans le traité De homine (ou Questiones de anima) est non seulement très longue, mais aussi très complexe, d’une part à cause de l’argumentation exhaustive des questions traitées (et souvent l’explication détaillée du texte d’Aristote), de l’autre par le nombre des sources citées et la profondeur de la discussion. Par exemple, la question à propos de la nature du sens commun est longuement discutée dans toutes ses facettes et la discussion s’appuie sur de nombreuses sources. Il est évident que ce traité visait un niveau philosophique allant bien au-delà de la simple pédagogie.

 

 

Bibliographie sélective :

 

Wolfson, « The Internal Senses », pp. 297-300 ;

Gauthier, Thomas, pp. 256*-257* ;

H. Anzulewicz, « Konzeptionen und Perspektiven der Sinneswahrnehmung im System Alberts des Grosses », dans I Cinque Sensi, The Five Senses = Micrologus 10 (2002) pp. 199-238 ;

J.A. Tellkamp, « Albert the Great on Structure and Function of the Inner Senses », dans Judeo-Christian-Islamc Heritage. Philosophical and Theological Perspectives, éd. R.C. Taylor et I. Omar, Milwaukee 2012, pp. 305-324 ;

C. di Martino, ‘Ratio particularis’. Doctrine des sens internes d’Avicenne à Thomas d’Aquin, Paris 2013 ;

K. Krause, “Albert the Great and Averroes’ Capitulum de corde: Peripatetic Physiology Meets Scholastic Controversy”, 14th International Congress of the SIEPM, Porto Alegre, 2017.

 

 

  1. De sensu communi

 

Ed. I. Brady, « Two Sources of the Summa de homine of Saint Albert the Great », dans RATM 20 (1953) pp. 222-271.

 

Ce court traité a été conserve dans un assez grand nombre de manuscrits, probablement parce qu’il a la plupart du temps été attribué à Thomas d’Aquin. Il se trouve souvent en compagnie d’un autre traité, le De quinque potentiis anime. Selon une première publication de Brady (voir ci-dessus), les deux traités seraient dus à Albert le Grand et auraient précédé la rédaction de la Summa ; donc, la partie de la Summa concernant le sens commun et les sens intérieurs les reprendrait en partie, tout en les adaptant. Henryk Anzulewicz, dans son édition de la Summa de homine, mentionne le traité dans l’apparat des sources avec le nom d’Albert entre parenthèses ; il estime, avec Geyer (dans Gregorianum 36/2, 1955, p. 274-275) et Brady dans une publication ultérieure (dans RTAM 25 (1958) p. 142-143), qu’il s’agit d’une compilation de passages du traité d’Albert. Il ne semble donc pas utile d’ajouter une liste des thèmes traités, ni un commentaire.

La structure est celle de questions suivies de réponses, pas de questions disputées scolastiques.

 

Texte :

 

Queritur de sensu communi et primo queritur que sit necessitas ponendi sensum communem.

Ad quod dicendum quod in omni natura que pluribus est communis oportet esse unum fontem ex quo oriatur illa communitas. Sensibilis autem cognitio est communicata quinque sensibus et ideo oportet esse unum fontem ex quo omnis sensus oriatur et ad quem omnis motus sensibilium referatur sicut ad ultimum finem. Et hic fons vocatur sensus communis.

Qui quedam habet in quantum sensus est, quedam autem in quan­tum communis est. Habet quod recipit rerum species sine materia et tamen presente materia, quod proprium est omnis sensus. In quantum autem communis est, habet duo sine quibus sensibilis cognitio non perficitur. Quorum unum est iudicium sensibilis operationis, sicut nos apprehendimus nos videre quando videmus, et audire quando audimus, et sic de aliis, sicut probatur in secundo De anima Aristoles, (De anima III, 2). Si enim hoc iudicium non esset in animalibus, non satis utile esset videre et audire et secundum alios sensus apprehendere. Secundum autem est comparare sensata diversorum sensuum per hoc quod inveniet ea in uno communi sensato coniuncta vel discreta. Hoc enim non potest facere aliquis sensuum propriorum quia comparatio inter plura est, et oportet per comparationem plura simul habere apud se. Et ideo sensus communis comparat sensata dicendo citrinum esse dulce et unum dulcius alio per hoc quod ad ipsum referuntur omnium propriorum sensata.

Quod autem nullo proprio sensu possit discerni compositio et divisio sensibilium secundum affirmationem et negationem, probat Philosophus secundo De anima in fine ; et etiam quod non possit fïeri iudicium in diversis sensibus separatis. Plures etiam rationes ad hoc quod iudicium diversorum sensuum non sit simul in uno proprio sensu ponit Philosophus in fine De sensu et sensato.

 

De diffinitione sensus communis secundum Avicennam

 

Secundo queritur quid sit sensus communis, et ponatur diffinitio Avicenne (Avicenna, De anima I, 5) qui dicit quod sensus communis est vis ordinata in prima concavitate cerebri recipiens per seipsam formas omnes que imprimuntur quinque sensibus et redduntur ei. Idem (id., IV, 1) etiam dicit quod sensus communis est virtus cui redduntur omnia sensata.

Et sciendum quod ista diffinitio data est per propriam materiam huius potentie que est organum, et illa tangitur per hoc quod dicitur vis ordinata in prima concavitate cerebri. Prima enim concavitas cerebri est locus in quo est prima congregatio spiritus animalis qui per distributionem ad organa specialia operatur quinque sensus. Tangit etiam hec diffinitio rationem communitatis per hoc quod dicit recipiens per seipsam formas omnes ; et tangit rationem proprii obiecti huius potentie per hoc quod dicit imprimuntur quinque sensibus. Quinque enim sensibus imprimuntur sensibilia propria primo, et posterius sensata communia. Et debet intelligi dictum Avicenne formaliter, ut sit sensus quod recipit sensus communis formas que imprimuntur sensibus secundum quod sensibus imprimuntur. Et cum differentia sit inter formam sensatam et phantasma et imaginem, patet per hoc quod distinguitur sensus communis a phantasia et imaginatione et aliis potentiis interioribus.

 

De diffinitione sensus communis secundum Algazel

 

Algazel autem in Physica sua (Metaphys. II, IV, 4) talem ponit diffinitionem dicens : Sensus communis est sensus a quo omnes proprii derivantur, et ad quem omnis impressio eorum renuntiatur, et in quo omnes coniunguntur, et sic sunt quasi suggerentes ipsum.

Et sciendum quod hec diffinitio datur per rationem nominis sensus communis. Sensus enim communis est in organo a quo distribuitur spiritus animalis operans ad organa sensuum propriorum. Et hoc tangit cum dicit a quo omnes proprii derivantur.

Similiter sensus communis est qui efficitur in actu a sensibilibus omnium propriorum sensuum ; et hoc tangit cum dicit ad quem omnis impressio eorum renuntiatur.

Similiter sensatum commune quod est obiectum sensus communis per se et primo est id quod coniungit omnia sensibilia propria ; et hoc tangit cum dicit in quo omnes coniunguntur, id est quod per suum obiec­tum sensata omnium coniungit. Cum autem unum sensibile proprium non sufficit ad hoc quod ostendat nocivum et conveniens alicui sentienti, ex colore enim non cognoscitur sufficienter coloratum, sed oportet multa sensibilia componere que compositio est sensus communis, ideo dicit quod omnes alii suggerunt, id est exspectant complementum cognitionis circa particulare quod est in sensu, sicut patet in cognitione auri, quod cum non sufficienter cognoscitur ex colore examinatur ad tinnitum et sonum et postea ad odorem ; est enim minoris odoris quam cuprum. Et si non sufficit hoc, examinatur ad pondus quod percipitur tactu. Hec autem sensibilia coniungit sensus communis. Et propter hoc dicit Avicenna (De anima IV, 1) quod cognitio sensus proprii non completur nisi per cognitionem sensus communis.

 

De comparatione sensus communis ad proprium et quare sit sensus et quomodo communis

 

Et notandum quod quantum ad distributionem spiritus animalis sensus proprii derivantur a communi, et quoad hunc respectum sensus communis prius est quam sensus proprius. Sed tamen in quantum sensus proprius prius est in actu quam communis quia illud quod apprehenditur a proprio sensu transit ad communem.

Et nota quod sensus communis dicitur sensus in quantum apprehendit formam cum presentia rei. Sensus enim proprius accipit qualitates que sunt sensibilia propria cum presentia materie ; sensus autem communis accipit magnitudinem in qua sunt sensibilia propria etiam cum presentia materie ; formalis autem sive imaginativa sine presentia materie. Et propter hoc cum omnis sensus sit susceptivus sensibilium specierum cum presentia materie, sensus communis erit sensus.

Et notandum quod sensus communis non dicitur communis ut genus, quia sic predicaretur de singulis propriis sensibus, nec ut totum inte­grale sive predicativum quia sic sua essentia nihil esset extra essentiam propriorum sensuum, sicut essentia totius nihil esset extra suas partes ipsum continentes. Propter quod relinquitur quod communitas sua sit ex parte obiecti.

Et est triplex ratio sue communitatis. Prima est quod, cum quilibet sensuum propriorum recipiat sensibile sibi appropriatum, sensus ille non habebit rationem proprii ad quem referuntur omnia sensibilia, sed habebit rationem communis. Secunda ratio communitatis est quia sensus communis per se immutatur a magnitudine subiecti, que magnitudo commune subiectum est omnium sensibilium qualitatum. Tertia ratio communitatis est quia sensus proprii referuntur ad ipsum ut ad unum centrum omnium sensibilium.

Ex his patere potest quid est sensus com­munis.

 

De organo sensus communis

 

Tertio queritur de organo sensus communis. Ad quod dicendum quod secundum Avicennam (De anima I, 5) et alios est in prima concavitate cerebri. Unde sciendum est, sicut dicit Avicenna (ibid. IV, 1), quod dispositio sensus communis est talis quod ex ipso est principium cuiuslibet virtutis sensibilis, et postea redit ad ipsum cum lucro. Cum ergo nervi sensitivi nascantur ex prima parte cerebri, eo quod prima pars mollior est et mollities facit multum ad impressionem sensibilium (ibid. V, 8), dicimus quod organum sensus communis est in prima concavitate cerebri que plena est sensibili spiritu.

 

Prelibatio ad cognitionem cuiuslibet obiecti

 

Quarto queritur de obiecto sensus communis. Ad quod sciendum est quod sensibile distinguitur ab Aristotele (De anima III, 8) tripliciter, quorum quidem dicimus duo per se sentire, unum autem per accidens. Sed sensibile per se dividitur in proprium et commune. Per se autem dicitur duobus modis, secundum quod est oppositum ei quod est per accidens et secun­dum quod est oppositum ei quod est per aliud. Et quando dicit Philosophus (De anima II, 6) quod sensibile per se est commune et proprium, accipit per se secundum quod opponitur ad per accidens. Et propter hoc Avicenna (De anima III, 8) dicit quod quoddam est sensibile per se et quoddam per accidens ; sensibile per se quoddam est commune et quoddam proprium. Nihilominus tamen per accidens dicitur duobus modis. Dicitur enim per accidens oppositum substantiali et oppositum immediate. Dicimus enim subiectum esse per accidens album eo quod substantialiter non est album, et similiter dicimus Sortem per accidens esse animal rationale mortale, non quod ipse substantialiter non sit animal rationale mortale sed quia immediate non convenit ei sed in quantum Sortes est homo.

 

De sensus proprii obiecto per se et proprio

 

Notandum ergo quoad hoc quod aliquid sit sensibile per se et pro­prium tria exiguntur, scilicet quod non sentiatur alio sensu per se, et quod circa ipsum non contingat errare illum sensum cuius est sensibile, et quod substantia sensus illius organi apta nata sit pati ab ipso, non ab alio; sicut visus coloris est quem non contingit sentire per se auditu vel olfactu vel alio sensu, et circa colorem non errat visus : licet enim circa compositionem coloris cum subiecto vel divisionem ipsius ab illo contingat error, tamen circa colorem numquam est error. Visus enim rubeum semper dicit esse rubeum ; componere autem rubeum cum hoc subiecto quod est cuprum vel cum hoc subiecto quod est aurum, non est visus sed sensus communis. Et circa istam compositionem et divisionem frequenter con­tingit mentiri. Multi enim cuprum crediderunt aurum, et mel fel putaverunt eo quod citrinum est utrumque.

Ad horum autem intellectum adhuc nota quod sensatum proprium dicitur duobus modis. Uno modo secundum quod est in re sensibili in qua est secundum esse materiale. Alio autem modo secundum quod est receptum in organo sensus. Secundum enim quod est in re non semper iudicatur de ipso quia per hoc esse non habet agere in sensum sed potius per esse quod habet in abstractione, secundum quod esse primo est in medio et postea in sensus organo, et multe variationes possunt fieri circa esse suum quod habet in abstractione tam in medio quam in organo. Quoniam ergo contingit quod illud quod est medium in visu esse humidum multum, forte videbitur album perfusum rubore vel croceitate, et si forte pupilla sit infirma ex humore in oculum defluente, alterabit esse coloris quod habet in abstractione. Et hoc non est error sensus in sensibili proprio, quia sensibile proprium revera tale esse habet in abstractione, licet non habeat tale esse in subiecto in quo est secundum esse materiale quod habet in natura. Et per hoc patet quod sensus proprius circa sensibilia propria non errat.

Patet ergo quid sit sensibile proprium et que exigantur ad hoc quod aliquid sit sensibile proprium.

 

De sensus communis obiecto per se et proprio

 

Communia autem sensibilia que ad presens inquirimus quia hec obiecta quinque sunt sensus communis, scilicet motus, status, figura, magnitudo, numerus ; unumquodque tamen ad numerum reducitur. Et si aliqua alia inveniantur que a pluribus sensibus essentialiter sentiuntur ad ista reducuntur, sicut situs qui est dimensio magnitudinis ad magnitudinem, et sicut asperitas et lenitas et curvum et rectum, que videntur et tanguntur ; que sub figura habent collocari, et similiter tempus et locus cum sint continue quantitates.

Tempus enim singulare cognoscitur pluribus et reducitur ad motum sicut ad causam et subiectum. Locus autem cum sit species magnitudinis sub magnitudine comprehenditur. Et propter hoc Avicenna (De anima III, 8) et Algazel (Metaph. II, IV, 2) ponunt ista obiecta sensus communis plura quinque. Omnia autem ista essentialiter et accidentaliter sentiuntur quia omnia ista motum et mutationem per se faciunt in sensum. Nec dicuntur ista communia eo quod quodlibet eorum equaliter ab omni sensu percipiatur, sed quia quodlibet istorum probatur percipi a pluribus sensibus et non uno solo sensu, quoniam in veritate motus et quies et numerus omnibus percipiuntur sensibus, sed quantitas et figura tactu et visu.

 

De sensus communis et proprii obiecto per accidens

 

Sensibile vero per accidens dicitur hoc quod opponitur ad substantiale. Substantiale enim sensibile est quod ex sui forma facit sensum. Unde per accidens est illud quod non facit sensum ex sui forma sed potius in quantum coniungitur in eodem subiecto cum illo quod per se facit sensum, sicut album ponitur esse visus, illud autem quod est cum albo in eodem subiecto per accidens sentitur a visu, sicut Philosophus (Arist., De anima II, 6) dicit quod visu per accidens sentimus dulce quia album est dulce et visu per accidens sentimus Dyarii filium. Et sic de aliis.

Et notandum quod sensus communis proprius est sui sensibilis, quod est suum sensibile per se, sed communis dicitur quia per posterius sentit omnia sensata propria.

 

EXPLICIT TRACTATUS DE SENSU COMMUNI EDITUS A DOMINO ALBERTO.

 

 

Traduction :

On pose des questions sur le sens commun, et la première question est : quelle est la nécessité de supposer un sens commun.

A cela il faut dire que dans toute nature qui est commune à plusieurs choses, il faut qu’il y ait une source dont cet ensemble surgit. Or, la connaissance du sensible est communiquée aux cinq sens et pour cela il faut qu’il y ait une source dont chaque sens surgit et à laquelle tout mouvement des sensibles se réfère comme à la fin ultime. Et cette source est appelée sens commun.

Et celui-ci a certaines choses en tant que sens, et certaines en tant que commun. Il a la capacité de recevoir les formes (species) des choses sans la matière, bien que la matière soit présente, ce qui est propre à chaque sens. Mais en tant qu’il est commun, il a deux choses sans lesquelles la connaissance du sensible n’est pas parfaite (perficitur). L’une des deux est le jugement de l’opération du sensible, comme nous percevons que nous voyons quand nous voyons, et que nous entendons quand nous entendons, et ainsi des autres sens, comme il est prouvé dans le deuxième livre De anima (De anima III, 2). Car si ce jugement n’existait pas dans les animaux, il ne serait pas assez utile de voir et d’entendre et de percevoir selon les autres sens. La deuxième chose est de comparer les sensibles (sensata) des divers sens par le fait qu’il les trouvera dans un seul sensible commun composés (coniuncta) ou distingués. Mais cela aucun des sens propres ne peut le faire, parce qu’il y a comparaison entre plusieurs et il faut avoir plusieurs choses à la fois à sa disposition pour comparer. Et pour cela le sens commun compare les sensibles disant que le jaune (citrinum) est doux et l’un plus doux que l’autre, parce que les sensibles de tous les sens propres se réfèrent à lui.

Et le fait qu’aucun sens propre ne peut distinguer la composition et la division des sensibles selon l’affirmation et la négation est prouvé par le Philosophe dans le deuxième livre De anima à la fin ; et aussi qu’il ne peut pas y avoir un jugement dans les divers sens séparés. Et plusieurs arguments pour le fait que le jugement des divers sens ne se passe pas simultanément dans un seul sens propre sont donnés par le Philosophe à la fin du De sensu et sensato (De sensu 7).

 

Sur la définition du sens commun selon Avicenne

 

Deuxièmement on pose la question ce qu’est le sens commun et que soit donnée la définition d’Avicenne qui dit que le sens commun est une faculté située dans la première concavité du cerveau, recevant par soi-même toutes les formes qui sont imprimées aux cinq sens et qui lui sont rendues/transmises (redduntur). Le même dit aussi que le sens commun est une faculté à laquelle sont rendus tous les sensibles (sensata).

Et il faut savoir que cette définition est donnée par la propre matière de cette puissance qui est l’organe, et cela est exprimé (tangitur) par ce qui est dit ‘une faculté située dans la première concavité du cerveau’. Car la première concavité du cerveau est le lieu dans lequel il y a le premier rassemblement (congregatio) du spiritus animal, qui par la distribution aux organes spéciaux opère les cinq sens. Et cette définition touche aussi à l’aspect (ratio) de communauté par ceci qu’elle dit : ‘recevant par soi-même toutes les formes’ ; et elle touche à l’aspect du propre objet de cette puissance par ceci qu’elle dit : ‘sont imprimées aux cinq sens’. Car d’abord sont imprimées aux cinq sens les sensibles propres et ensuite les sensibles communs. Et ce que dit Avicenne doit être compris selon la forme (formaliter), pour que le sens soit que le sens commun reçoit les formes qui sont imprimées aux sens selon qu’elles sont imprimées aux sens. Et puisqu’il y a une différence entre la forme perçue et le phantasme et l’image, il est clair que le sens commun est distingué de la phantasia et de la représentation (imaginatio) et des autres puissances intérieures.

 

Sur le sens commun selon Algazel

 

Algazel dans sa Physica donne la définition suivante, disant : le sens commun est un sens dont tous les sens propres sont dérivés et auquel toute impressio reçue par eux est renvoyée et dans lequel tous sont réunis, et ainsi c’est comme s’ils lui suggèrent (suggerentes).

Et il faut savoir que cette définition est donnée en raison du nom de sens commun. Car le sens commun est dans l’organe dont est distribué le spiritus animale opérant vers les organes des sens propres. Et il réfère à cela quand il dit ‘dont tous les sens propres sont dérivés’.

Pareillement, le sens commun est mis en action (efficitur in actu) par les sensibles de tous les sens propres ; et il réfère à cela quand il dit ‘auquel toute impression de ces sens est renvoyée’.

Pareillement, le sensible (sensatum) commun qui est l’objet du sens commun par soi-même et primairement, est ce qui réunit tous les sensibles propres ; et il réfère à cela quand il dit ‘dans lequel tous sont réunis’, c’est-à-dire il réunit par son objet les sensibles de tous les sens.

Et puisqu’un seul sensible propre ne suffit pas à montrer le nocif et le conveniens à quelqu’un qui perçoit, car par la couleur on ne connaît pas suffisamment le coloré, mais il faut composer beaucoup de sensibles, composition faite par le sens commun, pour cela il dit que tous les autres sens ‘suggèrent’, c’est-à-dire attendent ? (exspectant) le complément de connaissance à propos du particulier qui est dans le sens, comme il est clair dans la connaissance de l’or, qui, comme il n’est pas suffisamment connu par la couleur, est examiné au tintement et au son et ensuite à l’odeur ; car il a moins d’odeur que le cuivre. Et si cela n’est pas suffisant, il est examiné selon le poids qui est perçu par le touché. Et le sens commun compose ces sensibles.

Et pour cela Avicenne dit que la connaissance du sens propre n’est complétée que par la connaissance du sens commun.

 

Sur la comparaison du sens commun avec sens propre et comment il est commun

 

Et il faut noter qu’en ce qui concerne la distribution du souffle animal les sens propres sont dérivés du sens commun et sous cet aspect le sens commun vient avant le sens propre. Mais pourtant, en tant que sens propre il vient dans l’acte avant le sens commun, parce que ce qui est perçu par le sens propre est transféré au sens commun.

Et notez que le sens commun est dit sens dans la mesure où il perçoit la forme avec la présence de la chose. Car le sens propre reçoit les qualités qui sont les sensibles propres avec la présence de la matière ; et le sens commun reçoit la grandeur dans laquelle sont les sensibles propres aussi avec la présence de la matière ; mais la formative ou imaginative sans la présence de la matière. Et pour cela, puisque tout sens peut recevoir des sensibles des formes (specierum) avec la présence de la matière, le sens commun est un sens.

Et il faut noter que le sens commun n’est pas dit commun comme un genre, parce qu’ainsi il serait prédiqué de chacun des sens propres, et pas non plus comme un tout intégral ou prédicatif, parce qu’ainsi son essence ne serait rien en dehors de l’essence des sens propres, comme l’essence d’un tout ne serait rien en dehors de ses parties qui le contiennent. Pour cela il reste que son caractère commun vient de la part de l’objet. Et il y a trois raisons (ratio) pour son caractère commun. La première est que, puisque n’importe lequel des sens propres reçoit le sensible qui lui est approprié, ce sens-là n’aura pas le rapport (ratio) du propre auquel se réfèrent tous les sensibles, mais il aura le rapport du sens commun. La deuxième raison de son caractère commun est parce que le sens commun et par soi-même mu par la grandeur du sujet, et cette grandeur est le sujet commun de toutes les qualités sensibles. La troisième raison de son caractère commun est parce que les sens propres se réfèrent à lui comme à un seul centre de tous les sensibles.

Et de cela il peut être clair ce qu’est le sens commun.

 

De l’organe du sens commun

 

Troisièmement on pose la question de l’organe du sens commun. A cela il faut dire que selon Avicenne et d’autres il est dans la première concavité du cerveau. D’où il faut savoir, comme le dit Avicenne, que la disposition du sens commun est telle que lui est le point de départ de chaque faculté sensible, et ensuite elle retourne à lui avec du gain. Car puisque les nerfs sensitifs sont nés de la première partie du cerveau, du fait que la première partie est plus molle et que la mollesse fait beaucoup pour l’impression des sensibles, nous disons que l’organe du sens commun est dans la première concavité du cerveau, qui est pleine du spiritus sensible.

 

Introduction pour la connaissance de n’importe quel objet

 

Quatrièmement on pose la question de l’objet du sens commun. Pour cela il faut savoir que le sensible est distingué de trois manières par Aristote, dont nous disons percevoir deux par soi-même et un par accident. Mais le sensible par soi-même est divisé en propre et commun. Car par soi-même est dit de deux façons, selon qu’il a un opposé qui est par accident et selon qu’il a un opposé qui est par autre chose. Et quand le Philosophe dit que le sensible par soi-même est commun et propre, il comprend par soi-même selon que c’est l’opposé de par accident. Et pour cela Avicenne dit qu’un certain sensible est par soi-même et un certain par accident ; parmi les sensibles en soi certains sont communs et certains propres. Néanmoins pourtant par accident est dit de deux façons. Car il est dit par accident opposé au substantiel et opposé dans l’immédiat. Car nous disons qu’un sujet est blanc par accident parce que substantiellement il n’est pas blanc, et pareillement nous disons que Sortes est un animal rationnel mortel par accident, non parce qu’il n’est pas substantiellement un animal rationnel mortel, mais parce que cela ne lui convient pas dans l’immédiat mais en tant que Sortes est un homme.

 

Sur l’objet du sens propre en soi et à proprement parler

 

Il faut donc noter en ce qui concerne ceci, pour que quelque chose soit sensible en soi et à proprement parler (per se et proprium), trois choses sont exigées, à savoir qu’elle ne soit pas sentie en soi par un autre sens et que, à propos d’elle ce sens dont elle est le sensible ne puisse pas se tromper, et que la substance de l’organe de ce sens soit capable de pâtir (pati) par elle, non par autre chose ; comme la vision de la couleur est ce qu’on ne peut pas sentir par l’oui ou l’odorat ou un autre sens, et à propos de la couleur la vue ne se trompe pas : car bien que sur la composition de la couleur avec le sujet ou la division de la couleur du sujet une erreur peut arriver, pourtant à propos de la couleur il n’y a jamais erreur. Car la vue dit toujours que le rouge est rouge ; mais composer le rouge avec ce sujet qui est le cuivre ou avec ce sujet qui est l’or, cela n’est pas le fait de la vue mais du sens commun. Et sur cette composition et cette division il arrive souvent de dire faux. Car beaucoup ont cru que le cuivre était de l’or et ont pensé que le miel était de la bile parce que chacun des deux est jaune.

Et pour comprendre cela il faut encore noter que le senti (sensatum) propre est dit de deux façons. D’une part selon qu’il est dans la chose sensible, dans laquelle il est selon son être matériel. D’une autre façon selon qu’il est reçu dans l’organe du sens. Car selon qu’il est dans la chose, il n’est pas toujours jugé/apprécié (iudicatur) parce que par cette façon d’être il ne peut pas agir sur le sens, mais plutôt par l’être qu’il a dans l’abstraction, selon que son être est d’abord dans l’intermédiaire et ensuite dans l’organe du sens, et il peut y avoir beaucoup de variations autour de l’être qu’il a dans l’abstraction, tant dans l’intermédiaire que dans l’organe. Puisque donc il arrive que ce qui est l’intermédiaire dans la vue soit très humide, le blanc sera peut-être vu transfusé de rouge ou de jaune, et si peut-être la pupille est affaiblie par l’humidité qui coule dans l’œil, il changera l’être de la couleur qu’elle a dans l’abstraction. Et cela n’est pas une erreur du sens dans le sensible propre, parce que le sensible propre a en réalité un tel être dans l’abstraction, bien qu’il n’ait pas un tel être dans le sujet dans lequel il est selon l’être matériel qu’il a dans la nature. Et par cela il est clair que le sens propre ne se trompe pas sur les sensibles propres.

Il est donc clair ce qu’est le sensible propre et quelles choses sont exigées pour que quelque chose soit un sensible propre.

 

Sur l’objet du sens commun en soi et à proprement parler

 

Nous investiguons à présent les sensibles communs parce que ce sont cinq objets du sens commun, à savoir le mouvement, le repos (stature, status), la forme (imago), la grandeur et le nombre ; pourtant chacun est réduit au nombre. Et si on trouve d’autres choses qui sont perçues dans leur essence par plusieurs sens, elles sont réduites à celles-là, comme le lieu qui est une dimension de la grandeur à la grandeur, et comme l’aspérité et la surface lisse et l’objet courbé et l’objet droit, qui sont perçus par la vue et le toucher ; ceux-ci peuvent être classés sous la figure, et pareillement le temps et le lieu parce qu’ils sont des quantités continues.

Car le temps singulier est connu à plusieurs (sens) et est réduit au mouvement comme à la cause et le sujet. Et le lieu, comme il est une espèce de la grandeur, est compris sous la grandeur. Et pour cela Avicenne et Algazel disent que ces choses comme objets du sens commun en plus des cinq. Mais toutes ces choses-là sont perçues essentiellement et accidentellement, parce que toutes causent un mouvement et une mutation dans le sens. Et elles ne sont pas dites communes parce que n’importe laquelle d’entre elles est perçue de façon égale par tous les sens, mais parce qu’il est prouvé que n’importe laquelle d’entre elles est perçue par plusieurs sens et non par un seul sens, parce qu’en vérité le mouvement et le repos et le nombre sont perçus par tous les sens, mais la quantité et l’aspect par le toucher et la vue.

 

Sur l’objet du sens commun et du sens propre par accident

 

Ce qui est opposé au sensible substantiel est appelé le sensible par accident. Car le sensible substantiel est ce qui par sa forme fait un sensible ? (facit sensum). D’où le sensible par accident est ce qui ne fait pas un sensible (?) par sa forme mais plutôt en tant qu’il est conjoint dans le même sujet avec ce qui en soi fait un sensible (?), comme le blanc est dit être le fait de la vue, mais ce qui est avec le blanc dans le même sujet par accident est perçu par la vue, comme le Philosophe dit que par la vue nous percevons par accident le doux, parce que le blanc est doux, et par la vue nous percevons par accident le fils de Dyarius (Diarès). Et ainsi des autres.

Et il faut noter que le sens commun est propre à son sensible, qui est son sensible en soi, mais il est dit commun parce que postérieurement il sent tous les sensibles propres.

 

Fin du traité sur le sens commun édité par dominus Albertus

 

 

 

[1] Avicenna, De anima IV, 1, éd. Van Riet p. 1; I, 5, pp. 87-89.

[2] Aristoteles, De sensu et sensato 7 (447a12sqq.).

[3] Avicenna, De anima, IV, 1, 6sqq., éd. Van Riet, p. 1sqq.

[4] Avicenna, De anima, IV, 1, 45-59, éd. Van Riet, p. 4.

[5] Avicenne et Aristote.

[6] Note dans éd. : Il n’est pas clair qui est visé ici ; cf. Aristote sur l’ « error antiquorum physiologorum » (voir ci-dessous), ou l’ « error quorundam sociorum » ? ;  cf. Albertus, De anima, éd. Stroick, p. 60, 44 sqq., p. 177, 59sqq. : « Quarto et ultimo queritur utrum somnium sit passio sensus communis el proprii ».

[7] Arist. 426a20-27 ; Albertus, De anima, p. 160, 76-79 etc.

[8] Ed. p. 260, 37-39.

[9] Arist., De sensu et sensato 4 (442b4-7).

[10] Arist., De anima 425a13sqq. ; cf. Albertus, De anima, éd. Stroick, p. 154 ; etc.

[11] Avicenna, De anima I, 5, éd. Van Riet p. 87, 20-22.

[12] Avicenna, De anima 4, 1, éd. Van Riet p. 1, 6-9.

[13] Algazel, Metaph. 2, 4, éd. Muckle p. 169, 25-28.

[14] Avicenna, 1, 5, éd. Van Riet p. 87, 19-21.

[15] Id., 4, 2, éd. Van Riet p. 12, 55-57.

[16] Arist., De anima 2, 4 (415a19-20) ; Albertus, De anima p. 83, 59-60, p. 84, 1-13.

[17] Cf. Ci-dessus n. 13.

[18] Cf. éd. Anzulewicz p. 263, 56 : « eo quod ‘phantasia est motus a sensu secundum actum factus’ » (Arist. De an. 3, 3, 429a1-2).

[19] Arist., De memoria et rem. 1 (450b25-27). Cf. Albert., De memoria et rem. 1, 4.

[20] Arist., ibid. (450b20sqq.) ; Alb., ibid.

[21] Algazel, Metaph. 2, 4, éd. Muckle p. 169, 22-24.

[22] Avicenna 1, 5 éd. Van Riet p. 88, 25-29.

[23] Arist., De somno et vig. 3 (457b20sqq.) ; cf. Albert., De somno et vig. 1, 2, 9.

[24] En fait Averroes, De sensu et sensato (CCAA VII p. 38, 55sqq.).

[25] Avicenna 1, 5 éd. Van Riet p. 88, 30 – 89, 43.

[26] Avicenna 4, 1, éd. Van Riet p. 1, 6.

[27] Voir ci-dessus p. 00.

[28] Avicenna 1, 5, éd. Van Riet p. 88, 24-25.

[29] Voir ci-dessus et Avicenna, 4, 1, éd. Van Riet p. 1.

[30] Avicenna, 5, 8, éd. Van Riet p. 182, 83-86.

[31] Ibid., p. 180, 39-40.

[32] Voir ci-dessus.

[33] Voir éd. Anzulewicz pp. 243-244.

[34] Avicenna, 5, 8, p. 180, 37-39.

[35] Cf. Anon., Tractatus de anima, éd. Grabmann, p. 325, 31-33.

[36] Voir éd. Anzulewicz pp. 243-244.

[37] Avicenna, 5, 8, p. 179, 30 – 180, 33.

[38] Ibid., p ; 176, 76 – 177, 90.

[39] Averroes, Capitulum De corde (partie du De animalibus), Paris, BnF lat. 14385 f 167rb-vb ; cf. De partibus animalium 3, 4.

[40] Aristoteles, De anima 2, 6 ; l. XX-XX : cf. Vincent de Beauvais, Speculum naturale 25, 94 (éd. Duaci 1624, col. 1833).

[41] Cf. Aristoteles, Categ. 6.

[42] Cf. ibid.

[43] Cf. ibid., 10.

[44] Cf. ibid., 8.

[45] Cf. Vincent de Beauvais, Speculum naturale 25, 94 (éd. Duaci 1624, col. 1833-34).

[46] Cf. Arist. De anima 3, 1.

[47] Cf. ibid.

[48] Cf. Arist., De sensu et sensato 6 ; cf. Albertus Magnus, De sensu 3, 1.

[49] Cf. ibid.­ 6 ; Albert., ibid. 1.

[50] Ibid.

[51] Ibid.

[52] Ibid.

[53] Ibid.

[54] Averroès (non Alfarabi), De sensu p. 38 ; cf. id., De memoria p. 66. Cf. Vincent de Beauvais, col. 1833-34.

[55] Avicenna 6, 4, 1, éd. Van Riet p. 1, 6-9.

[56] Albert cite Arist., Categ., 6 (4b22-25).

[57] Priscianus, Institutiones gramm., 1, 1 n. 1 (éd. Hertz, II, p. 5, 1-2).

[58] Aristoteles, De an., 3, 1 (425a13sqq.).

[59] Ibid., 3, 2 (426b8sqq., impr. 426b17-23).

[60] Ibid., 3, 2 (425b12sqq.).

[61] Cf. Anon., De anima et de potenciis eius, éd. Gauthier, p. 44-45 ; Anon., De potenciis anime et obiectis, éd ; Callus, p. 154.

[62] Avicenna, De anima, V, 8, éd. Van Riet, p. 180 ; cf. Anon., Tractatus de anima, éd. Grabmann, p. 325; Albertus Magnus, De anima, 7, 1 p. 156.

[63] Aristoteles, De anima, 3, 2 (426b8sqq., 426b29sqq.) ; cf. Albertus, De anima, 7, 1, p. 161, 163.

[64] Aristoteles, De sensu et sensato, 7 (447a12sqq.) ; cf. Albertus, De sensu et sens., 3, 3-7.

[65] Aristoteles, De anima, 3, 3 (428b21-22).

[66] Ibid., (428b24-25).

[67] Algazel, Metaph., pars 2 tr. 4 c. 4 (éd. Muckle p. 170).

[68] Avicenna, De anima, 4, 1 (éd. Van Riet, p. 6). Cf. Jean de la Rochelle, Summa de anima, 2, 98 (ci-dessus, n° 7).

[69] Avicenna, De anima, 4, 1 (éd. Van Riet, p. 5). Cf. Jean de la Rochelle, Tractatus de divisione multipl. pot. an., 2, 7 (ci-dessus n° 7).

[70] Aristoteles, De anima, 3, 3 (428a1-3).

[71] Ibid., (427b14-27).

[72] Avicenna, De anima, 4, 1 (éd. Van Riet, p. 5). Cf. Jean de la Rochelle, Tractatus de divisione multipl. pot. an., 2, 7 (ci-dessus n° 7) ; id., Summa de anima, 2, 98 (ci-dessus n° 7).

[73] Algazel, Metaph., pars 2 tr. 4 c. 4 (éd. Muckle p. 170).

[74] Aristoteles, De insomniis, 3 (460b28-461a8).

[75] Avicenna, De anima, 1, 5 (éd. Van Riet, p. 89).

[76] Algazel, Metaph., pars 2 tr. 4 c. 4 (éd. Muckle p. 170).

[77] Cf. ci-dessus n. 68.

[78] Cf. Anon., De anima et de potenciis eius (n°5 ; éd. Gauthier p. 45 avec la note) ; cf. Anon., Tractatus de anima, éd. Grabmann, p. 326.